Les Québécois aiment se baigner dans l’intimité de leur jardin. Environ 40 % des piscines canadiennes sont au Québec et on en compte plus de 300 000 dans la province. Malgré leur popularité grandissante, de plus en plus de personnes s’inquiètent des impacts du chlore sur leur santé et l’environnement.
La piscine écologique, dont l’entretien ne nécessite aucun produit chimique, pourrait répondre à ces besoins. Nous sommes allés rencontrer deux heureux propriétaires et un spécialiste en écologie aquatique pour explorer le fond de la question.
Chaque été depuis 8 ans, Erik Graf et Renate Heidersdorf se prélassent dans leur jardin de baignade. Entourée d’arbres et de plantes, la piscine écologique de ce couple qui habite à Beaconsfield ressemble à si méprendre à un véritable petit lac. « Nous aimons les paysages naturels. Nous avons aussi une passion pour le jardinage et les bassins de poissons. La piscine écologique était une bonne façon de combiner tout ça, tout en nous donnant la possibilité de nous rafraîchir en été. », raconte M. Graf qui a construit chez lui l’une des premières piscines écologiques du Québec.
Étant tous deux originaires d’Allemagne, Erik Graf et Renate Heidersdorf avaient déjà pu apprécier ces piscines dont l’eau est filtrée par des roches et des plantes. Cette idée assez récente en Amérique du Nord, est née en Allemagne il y a une vingtaine d’années.
Avant de se lancer dans l’aventure, le couple a fait beaucoup de lectures. Ils ont aussi fait appel aux connaissances de Robert Lapalme, un spécialiste en écologie aquatique, afin de prendre des décisions éclairées sur la taille de leur piscine et son emplacement. Une sage décision, puisque la construction d’une piscine écologique ne s’improvise pas. Il s’agit de créer un véritable écosystème.
L’élément le plus important de la piscine écologique est le marais filtrant. C’est ce qui remplace en quelque sorte le chlore et les produits chimiques. « Utilisé pour épurer des eaux de toutes sortes, comme de l’eau usée très contaminée, le marais filtrant est un excellent système d’épuration. », assure M. Lapalme.
Un marais filtrant peut être composé de petites roches, de sable, de compost ou de grains d’argile et il peut comporter des plantes qui ont une action épurative. La taille du marais est proportionnelle à celle de la piscine.
« Dans notre marais filtrant, il y a environ 1 mètre d’épaisseur de petites roches de rivière et l’eau passe à travers. Les roches servent littéralement d’agents nettoyants naturels. », explique Erik Graf. À l’autre bout de sa piscine, se trouve un deuxième marais filtrant qui filtre l’eau grâce à des plantes produisant des microbes qui décomposent les matières polluantes. « C’est le même genre de microbes que l’on retrouve dans les yogourts. Ce n’est pas des microbes pathogènes, mais une bonne flore bactérienne. », indique Robert Lapalme.
La plupart du temps, des plantes seront également misent dans la partie de baignade pour éviter l’apparition d’algues. Les nénuphars et autres plantes flottantes, créent l’ombre nécessaire à l’équilibre aquatique de la piscine. Évidemment, la présence de végétaux nécessite une construction différente des piscines classiques.
« Au lieu de faire un fond en fibre de verre ou en béton, on rempli le trou avec une membrane spéciale, qu’on tapisse de roches ou de pierres naturelles. », explique Robert Lapalme. Cela permet aussi de donner la forme qu’on veut à la piscine et de lui donner un aspect naturel. Plusieurs clients en profitent d’ailleurs pour faire un paysagement qui s’harmonise au bassin, ajoutant cascade et ruisseau autour de la piscine.
Évidemment, l’eau d’une piscine ne doit jamais être stagnante. Comme pour la piscine conventionnelle, des éléments mécaniques sont utilisés. L’écumoire sert à ramasser la poussière et les insectes qui flottent à la surface. Le drain de fond attire les poussières et les feuilles qui coulent et garde un fond propre. Et les pompes assurent la circulation de l’eau dans le bassin, sort l’eau sale et la pousse vers le marais filtrant. Il arrive même qu’on installe un filtre au sable pour nettoyer l’eau de la piscine et supplémenter le marais filtrant.
Sur le plan environnemental, il est clair que diminuer l’usage du chlore ne peut qu’être souhaitable. Cependant, même si on peut le questionner, l’impact du chlore sur l’environnement n’est pas clairement établi. Mais ce qui est incontestable, c’est que ce genre de piscine crée un véritable écosystème dont les retombées sont bénéfiques pour l’environnement.
Ils offrent un plan d’eau sain aux petits animaux, comme les oiseaux et les libellules, et attirent même les grenouilles ! Un bonne nouvelle, puisque qu’une grande quantité de milieux humides ont été détruits au cours des dernières décennies, au Québec.
Pour les humains aussi, cette eau limpide, propre et sans odeur a ses avantages. Contrairement aux piscines conventionnelles, elles ne causent aucun problème de santé. "Une piscine chlorée engendre souvent des maladies de peau et des problèmes respiratoires, comme de l’asthme et les irritations pulmonaires. », soutient Robert Lapalme.
Une fois bien implanté, le jardin de baignade demande moins d’entretien qu’une piscine conventionnelle. Si l’écosystème de la piscine écologique est en santé, cela ressemble plutôt à du jardinage.
Il faut aussi brosser les marches et la toile en automne, mais, contrairement à une piscine conventionnelle, il n’y a pas de contrôle de PH à faire, ni d’aspirateur à passer. Certaines personnes utilisent des bactéries sous forme liquide qui aident à maintenir la vitalité et la qualité de l'eau. M. Graf, pour sa part, « met une toile à l’automne à cause de l’arbre au dessus de la piscine ».
Avec le temps, les surfaces de la piscine se recouvrent d'une pellicule végétale un peu glissante s'apparentant aux surfaces qu'on retrouve dans les lacs. Comme les membranes d'étanchéité sont foncées, cette verdure aquatique n'est pas visuellement dérangeante comme dans une piscine ayant un fond bleu clair, mais certaines personnes habituées à la propreté impeccable des piscines chlorées trouveront peut-être ce contact désagréable.
Si l’écosystème n’est pas équilibré, des algues et parfois des sangsues peuvent apparaîtrent, surtout au début, si la piscine est très exposée au soleil. Il faut s’assurer que des plantes, comme des nénuphars, recouvrent suffisamment de surface dans la partie de baignade.
En cas de problème, il existe des filtres UV naturels ou encore des bactéries biologiques qui aident à rétablir situation. De plus, une piscine écologique attire les grenouilles et les libellules, signe d’un écosystème sain. Il faut donc aimer se baigner dans un milieu naturel. « Les seuls problèmes que nous avons eu, c’est des algues au début, le temps que les plantes grandissent. Mais on les enlevait, tout simplement. Et nous, se baigner avec quelques grenouilles ne nous dérange absolument pas! », explique Erik Graf.